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Interview par Pierre Anglade.

Article publié dans la revue Rare, décembre 2014.

Je présume que vous n’avez pas commencé à travailler avec votre femme, qui est, elle aussi, une céramiste de talent ?

C’est bien dommage ! J’ai débuté en faisant les Arts Appliqués à Paris. Alors, une très bonne école avec une grande polyvalence dans les cours. Certes, on pouvait « errer » mais en ce qui me concerne, cela m’a bâti. Ainsi, j’ai appris la céramique, l’orfèvrerie, la sculpture sur pierre, mais aussi la tapisserie d’Art… un cursus de quatre ans, un voyage initiatique.

Et après… ?
Je me suis essayé à être professeur de dessin et ce sans exaltation particulière. J’ai donc très rapidement bifurqué vers le graphisme qui m’a ramené à mes premiers amours, la céramique. Dans le même temps, j’ai découvert la calligraphie, avec un maître coréen Ung-No-li. Ainsi que l’apprentissage du pinceau et la liberté de création loin de toute convenance.

Un enseignement que l’on peut lire encore dans vos oeuvres.
Oui, d’ailleurs il m’arrive assez souvent que des personnes venues voir mon travail pensent, assez hâtivement que je suis allé au Japon. Plus banalement, j’ai commencé mon trajet en faisant une étape aux Florélites de Ponthierry en tant qu’artisan. Je faisais le show ! Toujours est-il que cela m’a ouvert au dialogue avec le public et que j’ai acquis en même temps que l’expérience, une totale liberté d’expression. C’était avant… !

Le « Marché » a repris ses droits.
Et moi, le chemin de l’école. Ainsi faisant, j’ai élargi mes connaissances, notamment en ce qui concerne le moulage et la fabrication des modèles. De plus, grâce à mon professeur qui ne manquait ni de talent, ni de persuasion, j’enseigne à mon tour la céramique au sein du Centre Crear à Gouvieux. Douze ans, une longue ascension en compagnie de passionnés. Là, je fais deux connaissances importantes, celle de mon épouse et du frère Daniel de Taizé qui est un céramiste de renommée mondiale.

On devine la suite
Le Centre ferme et la Saône et Loire nous ouvre ses portes… Lentement mais surement.

Alors aujourd’hui, après toutes ces aventures et dix sept ans de pause, comment voyez-vous votre travail ?
Déjà, je n’aime pas les grandes séries. D’autre part, je vais assez souvent d’un thème à l’autre. Ainsi, après les montagnes, les bateaux, et autres tableaux, je m’intéresse aux coffres.

Pourquoi ce choix ?
Le hasard. Un jour, j’ai reçu un courrier avec un timbre qui représentait un coffre grec. Dans un coffre, il y a toujours quelque chose de secret et en plus, maintenant, je les attache avec une fine cordelette pour que l’on ait du mal à les ouvrir… Enfin les coffres sont intéressants à travailler car ils offrent de belles surfaces et se prêtent ainsi à la présentation de toutes sortes d’univers. Enfin, et ce n’est pas la moindre de leur qualité, on peut les coiffer avec des sculptures. Chacun peut y mettre ses pensées…

Et techniquement ?
Avec ma femme, nous fabriquons tous nos émaux. En ce qui me concerne, je les utilise comme un peintre utilise ses couleurs. Ensuite, c’est un travail subtil de pose, de réserves, de grattage, d’empreintes en attendant le feu qui a toujours le dernier mot. In fine, on est des apprentis magiciens. Cela rend humble !

Ceci posé, dans votre travail, le peintre reste très présent.
Oui, tout part du dessin. Il est ma source, mon reflet, et mon empreinte. Tout dort dans ma tête avant d’éclaterà travers ce merveilleux support qu’est la terre.

Vous partagez votre atelier avec votre femme, qu’est-ce que cela vous apporte ?
Forcément un soutien, deux regards valent mieux qu’un. Parler ensemble, c’est souvent entamer un voyage.

Justement, vers quoi allez-vous ?
Après les coffres, j’aimerais retourner vers des petits formats, voire des miniatures évoquant quelques paysages. Des émaux sur la porcelaine c’est magique, d’autant que c’est une matière très rancunière. Elle ne pardonne rien.

Votre rêve ?
Vendre, plus pour la reconnaissance de notre travail, que pour l’argent. L’univers de la céramique est très mal connu. Avoir quelques ailes me fait rêver.